Quand Marie Desplechin rencontre Aya Cissoko, elle est touchée par la singularité de son histoire. Née de parents maliens, Aya a connu une petite enfance habitée de souvenirs délicieux, qui prend fin avec la disparition de son père et de sa petite sœur dans un incendie. Aya Cissoko incarne le «danbé», cette vertu bambara que le français traduit par dignité. Danbé (éd. Calmann-Lévy), voilà le titre du livre qu’elles ont coécrit. Un texte court et magnifique, bourré de drames et de coups durs, de joies et de trophées.
Ces deux auteures se retrouvent pour évoquer le parcours de vie d’Aya Cissoko, ce qui l’anime aujourd’hui, mais surtout sa trilogie autobiographique que vient clore Au nom de tous les tiens. Un texte sous le signe de la transmission qui interroge les inégalités sociales et la persistance du racisme en France. Il résonne comme un cri de colère, parce qu’ « il faut continuer à se battre et à interroger les hiérarchies sociales, montrer comment racisme et mépris de classe se mêlent dans une logique perverse. » et parce que « Devenir quelqu’un, c’est avoir une véritable conscience de l’autre. »
Marie Desplechin, écrivaine, scénariste, journaliste, militante écologiste. Elle a écrit une centaine de livres : de nombreux livres pour enfants et adolescents, comme «Verte» et «Le Journal d’Aurore», elle écrit aussi pour les adultes. «La Vie sauve», écrit avec Lydie Violet, a obtenu le Prix Médicis Essai en 2005. Marie Desplechin s’intéresse à de multiples domaines et travaille avec des artistes de différentes disciplines.
Enregistrement intégral de la rencontre du 23 septembre 2022 à la bibliothèque Assia Djebar
Les auteurs ou artistes « racisés » sont souvent ramenés à leurs origines réelles ou supposées, qui ne correspondent pas au regard que devrait pourtant leur porter le milieu culturel et artistique français, invisibilisation. Ces créateurs « racisés » ont fait le choix de créer, d’investir des espaces où on ne les attend pas.
Quels obstacles spécifiques rencontrent-ils ? Quels espaces leur sont accessibles quand ils entreprennent de créer ? S’auto-censurent-ils pour réussir à investir ce milieu où ils sont sous-représentés ? Comment réussissent-ils à s’imposer pour exercer leurs arts ? Enfin, ces difficultés inspirent-elles leur création, la manière dont ils créent ou encore le public à qui ils s’adressent ? Ils sont artistes, auteurs et chorégraphe ; ils sont français ou non ; ils se considèrent comme « racisés » ou pas, mais dans leur métier, tous ont en commun de vivre le racisme ou d’en être témoins. Alice Diop, Grace Ly, Rokhaya Diallo, Bintou Dembélé et Sherine Soliman nous font le récit de leurs expériences.
Rokhaya Diallo : est une journaliste française, autrice et réalisatrice reconnue pour son travail en faveur de l’égalité raciale, de genre et religieuse. Elle est éditorialiste pour le Washington post et chercheuse au centre de recherches : « Gender + justice initiative » de l’université de Georgetown (Washington). En France, elle est chroniqueuse pour la radio sur RTL et la télévision sur LCI, BFM et C8. Rokhaya Diallo a également crée le podcast « Kiffe ta race » (Binge audio) dédié aux questions raciales. Il a été classé parmi les meilleurs podcasts par Apple en 2018.
Bintou Dembélé : est reconnue comme l’une des pionnières du hip hop en France. Elle commence à danser en 1985 et fonde les origines de son geste dans ce mouvement. Sa démarche artistique aux influences plurielles, mêle la musique répétitive et les polyphonies rythmiques aux Street Dance. Elle explore les cultures de la marge, les mémoires rituelles et corporelles, questionne le genre. Elle crée depuis 2004 6 créations qui seront données en France et à travers le monde. Elle fait son entrée en 2019 à l’Opéra de Paris, où elle signe la chorégraphie des Indes galantes, opéra-ballet mis en scène par Clément Cogitore et dirigé par Léonardo García Alarcón. En 2020, elle chorégraphie un solo pour une danseuse du Ballet de l’Opéra de Lyon. Elle est artiste associée aux Ateliers Médicis et l’une des dix artistes internationaux invités aux dix ans du centre Pompidou-Metz. En 2021, elle inaugure la Villa Albertine à Chicago avec une résidence d’écriture de trois mois.
Sherine Soliman : est né à Évry et a grandi dans l’Essonne (91). Après un parcours scolaire en demi-teinte (un redoublement et un baccalauréat littéraire passé de justesse au lycée Robert Doisneau à Corbeil-Essonnes), il suit des études de Lettres à l’université Sorbonne-Nouvelle, obtient son Master et est admis au CAPES de Lettres Modernes l’année suivante. Il enseigne aujourd’hui dans un lycée du Val-de-Marne et a auparavant passé six belles années dans un collège de Saint-Denis (93). Souleymane est son premier roman.
Alice Diop : après un Master en Histoire obtenu à l’Université Panthéon-Sorbonne et un DESS en sociologie visuelle, Alice Diop réalise depuis 2005 des documentaires de création, diffusés dans des festivals internationaux (Cinéma du Réel, BFI London, Karlovy Vary, Viennale etc … ). En 2017, elle obtient le César du meilleur court métrage pour son film « Vers la tendresse » ainsi que le Grand prix au Festival du Moyen métrage de Brive. Elle obtient la même année le grand prix de la compétition française au festival Cinéma du réel pour son long métrage documentaire « La Permanence » ; Festival ou trois ans auparavant elle remportait le prix des bibliothèques pour son film « La Mort de Danton ». Son dernier film « Nous » sélectionné en compétition Enconters à la Berlinale 2021 a obtenu le prix du meilleur film documentaire (Best documentary awards), et le Grand prix de la compétition Enconters. Son premier long métrage de fiction, « Saint Omer », écrit en collaboration avec sa monteuse Amrita David et l’auteure Marie N’diaye est en fin de post production.
Grace Ly : est écrivaine, réalisatrice et animatrice de podcast. Son roman « Jeune fille modèle » (Fayard, 2018) met en scène les désirs et doutes d’une jeune femme vivant dans le treizième arrondissement de Paris. Elle co-anime avec la journaliste Rokhaya Diallo, le podcast « Kiffe ta race » (Binge audio), qui interroge depuis 4 saisons les questions raciales dans la société française. Le livre éponyme (First, 2022) qu’elles ont co-écrit, porte des clés de réflexion sur l’antiracisme. Grace Ly a participé au recueil de nouvelles fiction jeunesse « Nos identités, celles qu’on nous impose, celles qu’on cache » (Rageot X Diveka, 2022).
Table ronde
Podcast et médias ajoutés
1-Q-Aya Cissoko : comment s’est passé l’aventure de s’exprimer ? pourquoi le faites vous ?
Bintou Dembélé:Est-ce que ça va ? c’est avant tout une forme de rituel, pour moi, c’est un rite de passage…
2-Q-Aya Cissoko : quel est ton public ?
Bintou Dembélé: Même si il y a un public autour, ce qui m’a happée et qui me happe tout le temps, c’est de rester à l’endroit du micro, et les danseurs que j’ai convoqués, rasemblés pour ce rite de passage…
3-Q-A.C. : et toi Alice, tu commences la réalisation en 2005. Qu’est-ce qui te pousse à vouloir créer et raconter tes propres histoires ?
Alice Diop : C’est marrant parce que 2005, c’est une date qui fait date collectivement, et je crois que c’est la 1ère fois où je me suis formulée…
Trailer du film documentaire Nous, d’Alice Diop, 2021
4-Q-A.C. : Rokhaya et Grace, le podcast kiffe ta race essaye de décortiquer les mécanismes raciaux, Rokhaya, tu n’es pas épargnée par la presse. Qu’est-ce qui te donnes cette foi pour continuer ?
Rokhaya Diallo : …Pour ce qui me concerne, 2005, ça a été une année vraiment fondatrice parce que c’est à la fois l’année des révoltes, après la mort de Ziheb Bena et Bouna Traoré…
5-Q-Aya Cissoko : Grace Ly, tu décides de reprendre la narration à ton compte avec ton roman Jeune fille modèle. Qu’est-ce que tu as voulu dire par ce roman ?
Grace Ly : Je me retrouve dans tout ce que vous venez de dire comme la création comme une nécessité personnelle, un refuge, une protestation contre des représentations…
6-Q-Aya Cissoko :ce livre, (cf .Souleymane), c’est aussi un défi que t’ont lancé tes élèves ?
Sherine Soliman : Ça a été un déclic, là je suis très content, c’est la première fois de ma vie que je me retrouve avec des gens de mon équipe…
7-Q-A.C. : est-ce qu’on est obligé en tant qu’auteur racisé de se raconter soi-même (…) de raconter nos souffrances, nos oppressions ?
Bintou Dembélé : Je rêve du jour où je pourrais parler du bleu, je pourrais danser le bleu, j’attends le jour où ça sera possible…
8-Grace Ly : quelles sont les histoires qui sont mieux accueillies, (…) Comment on te regarde…
9-Alice diop : jusqu’à quand va-t-on devoir témoigner de la violence de vivre dans une société structurellement raciste ?
Alice diop : C’est une question extrêmement complexe, ma réponse ne peut être que très intime et très personnelle, et c’est de rester au plus près, au plus précis de mes besoins du moment…
10-Sherine Soliman : pour moi c’est impossible pour l’instant d’écrire quelque chose qui ne soit pas résistant ou politique.
Sherine Soliman : J‘ai adoré la formule qu’elle (Bintou Dembélé) a utilisée quand elle dit « j’adorerai danser le bleu », moi, je sais que c’est impossible pour moi d’écrire quelque chose qui ne soit pas résistant…
11-Grace Ly puis Rokhaya Diallo : le statut de l’écrivain colonisé, nécessite de parler depuis soi, redonner l’importance que l’on a…
Grace Ly : Ça me fait vraiment penser à un extrait du livre d’Albert Memmi dans Portrait du colonisé…
12- Q-Aya Cissoko : quels sont les obstacles que vous avez eu à surmonter ?
Bintou Dembélé : Je me rends compte, pour reparler de l’opéra Les Indes Galantes que j’ai fait, je crois que j’ai du passer 70 % de mon temps à essayer de défendre mon espace en fait…
Duo de la cantatrice Sabine Devielhe et du danseur Cal Hunt repéré par Bintou Dembélé sur YouTube et invité à rejoindre le projet des Indes Galantes
Solo de Cal Hunt chorégraphié par Bintou Dembélé
13-Aya Cissoko et Rokhaya Diallo : l’affaire du nom de famille écorché
16- Questions du public : comment se fait-il que les vocables noir ou blanc soient utilisés pour désigner des humains sur terre ?
Rokhaya Diallo : … En fait, ces mots ne définissent pas des personnes mais des rapports sociaux, quand on parle de personnes noires ou blanches, on ne parle pas de couleur de peau mais de situation raciales…
17- Questions du public : est-ce que le fait d’être racisé.e.s vous a t-il empêché d’accéder aux moyens de création ?
Alice diop : C’est jamais complètement frontal, mais j’ai l’impression que les obstacles dont on parlait et les stratégies d’invisibilisation et de résistance à notre présence, c’est beaucoup plus insidieux…
18- Questions du public : milieu du spectacle, contrôle de la narration, de la représentation, appropriation culturelle
Le jeudi 21 avril 2022 à 19h30 a eu lieu la table ronde S’organiser dans les quartiers populaires, autour de la thématique de la mobilisation des habitants des quartiers populaires face aux inégalités. Les invités sont Goundo Diawara, CPE ; Issa Coulibaly, fondateur de l’association Pazapas et SamirElyes, éducateur spécialisé, ancien Militant du MIB. Modération par la journaliste Nora Hamadi.
La crise du Covid a été un véritable révélateur des inégalités profondes au sein de la société française, poussant certains acteurs des quartiers populaires à intervenir. L’absence d’une intervention publique efficiente oblige les habitants de ces quartiers à s’organiser. Existe-t-il une histoire de l’auto-organisation dans ces quartiers ? Quand et pourquoi décide-t-on de passer à l’action ? Cette solidarité est-elle transposable à grande échelle ?
De gauche à droite Goundo Diawara, Issa Coulibaly, Nora Hamadi et Samir Elyes.
Introduction de la directrice de la bibliothèque – Anne-Marie Vaillant
Bienvenue à ce 4ème rendez-vous de la Résidence Aya Cissoko…
PRÉSENTATION
Goundo Diawara, conseillère principale d’éducation en région parisienne est investie à double titre sur les questions d’éducation. En tant que parent, elle est également bénévole et secrétaire nationale du Front de mères, un collectif de parents d’élèves des quartiers populaires. Front de mères a ouvert en juin 2021 avec l’association Alternatiba la Maison de l’écologie populaire en juin : Verdragon.
SamirElyes, éducateur spécialisé, ancien militant du MIB – Mouvement de l’Immigration et des Banlieues. En 1997, il participe aux révoltes urbaines de Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne), sa ville d’origine. Après un évènement tragique, la mort d’un mineur abattu par la police dans une course-poursuite, il rejoint le MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues), et s’attèle à la question de l’émancipation, par la politisation des quartiers.
Issa Coulibaly, fondateur de l’association Pazapas dans le 20e à Paris, et du festival Belleville en vrai, un tournoi sportif conçu de manière participative par et pour les jeunes de Belleville, il oppose sur trois jours et six épreuves les jeunes des quatre quartiers environnant le métro Belleville à Paris. Ce festival souhaite « couper les barrières entre les micro-espaces d’un même quartier ». Cette association incite les jeunes à s’impliquer dans la vie sociale de leur quartier. Par ailleurs, Il a déposé une requête contre l’État pour obtenir la fin des contrôles au faciès.
Modération par Nora Hamadi, journaliste-présentatrice, spécialiste des questions européennes. Depuis septembre 2018, elle présente l’émission Vox pop sur Arte et depuis septembre 2021, l’émission sous les radars sur France Culture.
Table ronde
Podcast et médias ajoutés
1-Q-Nora Hamadi à Goundo Diawara
Diagnostic / les habitants des quartiers populaires représentent-ils une force politique ?
Nora Hamadi : Peut-être un élément de diagnostic, on a le sentiment, parce que les quartiers populaires votent peu, s’abstiennent, on le voit encore à cette présidentielle…
2-Q-Nora Hamadi à Elyes Samir
Qu’est-ce que ça veut dire faire de la politique en quartier populaire ?
Nora Hamadi : On entend beaucoup, Samir, dans ce que dit Goundo, la dimension de trahison, toi ça fait un moment que tu es sur ce terrain avec le MIB…
3-Q-Nora Hamadi à Issa Coulibaly
Est-ce qu’on peut dire que vos actions palient les déficiences de l’Etat ?
Nora Hamadi : Tout en ayant ces besoins primaires, presque, du service public auquel on a jamais répondu par la présence justement de politiques publiques, c’est ça que ça veut dire ?
4-Q-Nora Hamadi à Samir Elyes
Est-ce qu’on peut parler d’inadaptation, est-ce qu’il y a des zones où les services publics sont absents ?
Nora Hamadi : Samir, tu partages ce constat, on ne peut pas non plus parler d’abandon…
5-Q-Nora Hamadi à Gondo Diawara
Quelle est la situation de l’école – quel lien entre ces problématiques et le syndicat de parents que tu as créé ?
Nora Hamadi : Le seul service public auquel on est confronté dans les quartiers populaires, c’est la police…
6-Q-Nora Hamadi à Issa Coulibaly
Comment s’organiser pour entrer dans un rapport de force et bénéficier du droit commun ?
Nora Hamadi : Pour pouvoir prétendre à une émancipation par l’école, et par l’éducation comme ailleurs, il faudrait en passer par un rapport de force…
7-Q-Nora Hamadi à Samir Elyes
Comment on fait comprendre aux habitants des quartiers populaires qu’ils ont le pouvoir et la capacité d’agir ?
Nora Hamadi : Ce qu’on voit émerger depuis 20, 30 ans, c’est des communautés qui commencent à s’organiser…
«Nos quartiers populaires, qui ont servi de laboratoire dans le maintien de l’ordre, ont une histoire qu’il faut transmettre. On ne pourra rien construire à son détriment, il y a une continuité avec ce qui se passe aujourd’hui.»
Samir Elyes, Libération, juin 2020
8-Goundo Diawara
On est légitimes pour porter la question de la mémoire des luttes et interpeler les autorités…
Goundo Diawara : c’est un travail qui demande du temps, mais il y a aussi le réveil du sentiment de légitimité pour eux de se dire, oui on est légitimes pour aller chercher nos réponses…
9-Q-Nora Hamadi
Chez Verdragon vous faites du politique mais est-ce qu’il ne faut pas faire de la politique ?
Nora Hamadi : …Vous avez ce lieu, globalement, ça pose la question plus globale au politique, vous arrivez avec ces ateliers, cette AMAP, à faire converger des populations qui ne se croisaient pas trop…
10- Q-Nora Hamadi à Issa Coulibaly puis Goundo Diawara
Comment, au vu du nombre de lieux associatifs engagés, on n’arrive pas à opérer une bascule de l’action politique ?
Nora Hamadi : … sauf que pour créer du rapport de force, pardon, soit tu as du monde derrière toi, mais les quartiers ne votent pas trop, et comment tu arrives à placer les tiens pour avoir un effet sur la politique…
11- Samir Elyes
Entrer petit à petit dans les spères politiques et prendre notre place.
Samir Elyes : Y’a un exemple concret, Champs sur Marne, il y a le comité Gay, à la base qui s’est constitué parce qu’on a tué leur frère d’une balle derrière la tête…
12-Q-Nora Hamadi
Dans le champs des luttes dans les quartiers, il y a des gens qui ont du mal à travailler ensemble… donc comment faire masse ?
Nora Hamadi : …Y’a quand même pas plus concurrentiel que les organisations qui sont issues de quartiers populaires, en termes de convergences, il y a un gros travail à faire…
13- Issa Coulibaly
Issa Coulibaly : Chacun mène ses actions comme il peut, tout contribue et se développe dans le même sens
14- Intervention du maire du 20e
Aya Cissoko : Monsieur le Maire du 20e arrondissement,… M. le Maire : Avant d’être Maire, j’étais militant associatif…
15- Réponse d’Issa Coulibaly et autres questions du public
Issa Coulibaly : Sur la relégation relative des quartiers populaires, je voulais faire une petite réflexion, c’est vrai qu’en banlieue, on est loin de tout mais à Paris on a tout sous les yeux mais on a accès à rien…
Samir Elyes : Sur les bailleurs sociaux, c’est clair que quand ils virent tout le monde, c’est politique, parce que ce sont des espaces qui nous ont permis, à nous dans les années 80, 90, 2000, de nous réunir…
17- Conclusion de Goundo Diawara
Goundo Diawara : La seule institution, où on peut avoir un intérêt à ce qu’il y ait des personnes issues de l’immigration post-coloniale, qui entrent dans cette institution là, qui soient cadres, c’est effectivement dans l’Education Nationale…
18- Q-Aya Cissoko (dans le public)
Comment résister au rouleau compresseur des services publics, de l’école. Exemple de SAINT-DENIS et autres questions du public.
Aya Cissoko : Actuellement, on voit bien qu’il y a cette volonté de privatiser l’éducation, comment on fait pour résister…
19- Vos rêves, vos utopies ?
Goundo Diawara : pour parler comme les Miss France, c’est l’égalité, un monde juste, égalitaire dans lequel nos gosses pourront s’épanouir, en fait…
20-Catherine Ejarque, bibliothécaire à Assia Djebar
La bibliothèque n’est-elle pas la dernière institution comme rempart pour s’auto-organiser ?
Catherine Ejarque : On a parlé des institutions, mais on a pas parlé des bibliothèques, dans les quartiers populaires, c’est une des dernières institutions où les habitants se retrouvent…
Le 8 mars 2022, journée de la femme, une table ronde sur les questions de la parité dans le sport, s’est déroulée au centre d’animation Louis Lumière, avec Béatrice Barbusse, normalienne en sociologie, ancienne sportive de haut niveau et autrice, Adil El Ouadehe, directeur technique adjoint à l’Union Française des Oeuvres Laïques d’Education Physique (UFOLEP), Les Dégommeuses, équipe et association féministe de foot, fondée en 2012, qui milite pour l’égalité femme-homme sur le terrain du sport, autour d’Aya Cissoko, Championne du monde de boxe et écrivaine.
Quelle est la place des femmes dans le monde du sport ? Pourquoi sont-elles largement sous représentées dans les instances dirigeantes et aux postes d’encadrement technique ainsi qu’à la fonction d’arbitrage ou de juge ?
Qu’en est-il du sport amateur ? Le sport est-il un terrain de militantisme ? Le sport est-il politique ? Les sportives et sportifs français font-ils ou s’autorisent-ils à faire de la politique ? Si oui, comment leurs actions s’illustrent-elles sur le terrain ? Et quel impact ont-ils sur la société ?
Mots de la directrice de la Bibliothèque et de l’élue à la culture
Assia Djebar, Anne-Marie Vaillant et Marthe Nagels, élue à la culture
Anne-Marie Vaillant : Bonjour à tous, la bibliothèque Assia Djebar…
PRÉSENTATIONS
Présentation Béatrice Barbusse
Présentation : Les Dégommeuses
Présentation : Adil El Ouadehe
Présentation : Aya Cissoko
Béatrice Barbusse, normalienne en sociologie. Elle commence le handball à 11 ans. Pendant 10 ans, de 1980 et 1990 elle évolue en handball en national 1, à Créteil et à Alforville. Seule femme à présider en France un club professionnel de handball masculin et autrice. Depuis 1992, elle est enseignante-chercheuse en sociologie, à l’université Paris Est Créteil. Elle se bat pour l’égalité homme/femme dans les instances dirigeantes du sport. À lire : Du sexisme dans le sport (éd. Anamosa, 2016).
Les Dégommeuses, équipe et association féministe de foot majoritairement composée de lesbiennes et de trans, qui milite pour l’égalité femme-homme sur le terrain du sport. Le foot est un jeu mais il est aussi un mode potentiel d’affirmation politique. Terrain d’expression privilégié des discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle, il peut aussi être un vecteur formidable pour faire bouger les lignes. Les Dégommeuses sont engagées dans des actions de proximité (sensibilisation du public sportif aux stéréotypes de genre), dans du plaidoyer pour promouvoir le sport féminin et la visibilité lesbienne, et dans des projets de solidarité internationale.
Adil El Ouadehe, directeur technique adjoint à l’UFOLEP (Union Française des Œuvres Laïques d’Éducation Physique). Cette fédération multisports regroupe 400 000 adhérents et 10 000 associations. Membre du Comité National Olympique et Sportif Français, l’UFOLEP s’efforce de promouvoir une idée du sport accessible à tous. Grâce à ses 102 comités départementaux et ses 24 comités régionaux, elle développe des activités allant de la découverte du sport à la compétition au meilleur niveau. L’UFOLEP privilégie la dimension associative dans une approche éducative, formatrice et conviviale.
Aya Cissoko, sacrée Championne du Monde amateur de savate boxe-française en 1999 et 2003 puis de boxe-anglaise en 2006. En 2011, elle co-écrit avec Marie Desplechin son autobiographie aux éditions Calmann Levy, Danbé. En 2016 sort N’ba chez Calmann Lévy. L’anthologie Imagine africa in 2060 est publié aux éd. Peter Hammer verlag en avril 2019. Un livre dans lequel 10 auteur.e.s africain.e.s ou afrodescendant.e.s livrent leur vision sur le devenir du continent. En 2020 sort Boxe chez En exergue. Enfin en 2022 est sorti Au nom de tous les tiens, publié aux éditions Seuil, texte sous forme de lettre adressée à sa fille.
Table ronde
Podcast et médias ajoutés
QUESTIONS AVEC LES ÉLÈVES DU LYCÉE HÉLÈNE BOUCHER PARIS XXÈME
1-Q-HB-Martin : Est-ce que ce sont les discriminations subies dans le sport qui vous ont poussée à devenir sociologue ?
Béatrice Barbusse: Si je veux être honnête avec vous je dirais oui. Vous avez remarqué je suis blanche, je n’ai pas subi de discrimination liée à la couleur de peau..
2-Q-HB-Paco : À l’ufolep, comment vous faites pour qu’il y ait égalité entre filles et garçons ?
Adil El Ouadehe : Il faut trois choses : il faut une intention, il faut vraiment vouloir travailler sur ces questions-là. Travailler sur l’égalité c’est un engagement et c’est un engagement qui est très fort..
3-Q-HB-Rosalie : Comment se reconvertir après une carrière sportive ?
Aya Cissoko : En France, on apprécie les sportifs et les sportives en activité mais dès lors effectivement que ceux-ci partent à la retraite ou sont dans l’obligation de prendre leur retraite, il n’y a pas d’après. Très rare sont les sportifs et sportives avoir préparé leur reconversion..
4-Q-HB-Marie PATOUILLET (sportive présente dans le public) :
Est ce que tu as mené ton combat pour la parité en tant que sportive retraitée ou en tant que sportive active ?
Aya Cissoko : Je suis l’une des rares exception de ma fédération à avoir mené le combat pendant ma carrière sportive. Mais ce qui me sauvait c’est que j’étais la meilleure de ma catégorie..
5-Béatrice Barbusse : le combat contre le sexisme dans le sport
Béatrice Barbusse : Après ma carrière j’ai arrêté le sport parce que tout simplement j’en pouvais plus, mentalement et physiquement. Mon corps était fatigué et ma tête aussi..
6-Aya Cissoko : sécurité, protection et droit dans la carrière d’un athlète
Aya Cissoko : C’est qu’on a tendance à croire effectivement que le sport serait un monde parfait outre les questions d’égalité raciale, de genre, d’accès pour les personnes en situation d’handicap. Mais moi je trouve que le sport est un espace très très violent..
7-Adil El Ouadehe : y-a-t-il des hommes dans le combat de la parité ?
Adil El Ouadehe : Est-ce qu’il y a des hommes, oui. Est-ce qu’il y’en a suffisamment, non. Et même parmi ceux qui sont mobilisé le soutien n’est pas évident..
8-Béatrice Barbusse puis Julia : nécessité de se fédérer entre femmes, en non mixité
Béatrice Barbusse : Dans le sport, nous sommes une minorité de femme à élever la voix et à se battre pour ce genre de chose..
9-Béatrice Barbusse : statistiques et repères historiques de l’exclusion des femmes dans le sport
Béatrice Barbusse : Pour vous donner des repères, les femmes représentent dans le sport moins de 20% que ce soit en tant que dirigeante sportive que ce soit en tant que journaliste, pour les entraineuses c’est encore moins..
10-Aya Cissoko : Injonctions permanentes et besoin de « safe space »
Aya Cissoko : Dans le sport, vous êtes sensées être bonnes effectivement dans la pratique qui est la vôtre. Bonne aussi effectivement en tant que femme alors qu’un homme on ne lui demande pas d’être bon et beau..
11-Q-HB : comment faire avancer les choses ? (en Egypte par exemple) Évolution et ouverture de l’institution
Béatrice Barbusse : Chez nous c’est la loi qui fait avancer les choses, c’est par la loi..
12-Q-HB-Léa : est-ce que les discriminations vous ont fait devenir plus forte ?
Aya Cissoko : À chaque fois qu’on me disait que ce n’était pas possible, à chaque fois c’était un formidable moteur pour moi..
13-Julia : les discriminations rendent-elles plus forte ?
Julia : Si j’ai dit que j’avais fait du patinage artistique sur roulettes, c’est pas pour rien. Moi quand j’étais petite j’habitais à la campagne dans un petit village et j’avais très envie de faire du foot..
14-Julia puis Béatrice Barbusse : Partager ses discriminations
Julia : Je pense que ce n’est pas qu’un attitude individuelle, il y a peut-être une force de caractère..
15-Marie Patouillet : prévention et éducation des hommes (+ anecdote ministre)
Marie Patouillet : Je m’adresse surtout aux jeunes femmes qui sont en seconde, moi j’ai 33 ans, je suis déjà dans la vie adulte et malgré ça je passe au-dessus de discrimination et parfois je me rends compte des mois après..
16-Q-HB : lorsque vous avez intégré l’équipe des dégommeuses, est-ce que vous avez été critiquée par l’orginalité de votre équipe ?
Veronica Noseda : Moi j’étais là depuis le début donc je n’ai pas vraiment intégré l’équipe parce que j’ai assisté à sa création. Mais c’est vrai que mille fois j’ai eu peur d’être étiqueté en tant que lesbienne..
17-Q-HB : Les dégommeuses vous ont elles aidé à vous libérer de ce que vous cachez ?
Veronica Noseda : Oui, je dirais les dégommeuses et surtout les combats, les luttes. Peut-être vous aussi à votre niveau, au niveau de l’école, vous avez menez des combats..
18-Q-HB-Lilia : comment concilier votre vie de famille et votre pratique du sport ?
Aya Cissoko : C’est une très bonne question dans le sens ou pas mal de sportives se posent la question du bon moment pour tomber enceinte, avoir un enfant..
19-un papa : question pour ma fille qui veut faire du foot
Un papa : Est ce que vous auriez des informations, des sites qui recenseraient des clubs destinés aux filles..
20-Q-HB : Vous avez évoqué de nombreux inconvénients mais quels sont les avantages pour les femmes de faire du sport ?
Veronica Noseda : Le foot féminin a été bannit pendant des années en France et Angleterre et quand j’ai commencé à faire du foot j’ai compris pourquoi..
21-Les jeunes générations : faites du sport !
Julia : Santé et aussi santé mentale au sens large parce que je sais quand je suis arrivée chez les degommeuses c’est un truc que j’ai vraiment remarqué, c’est le bien que cela faisait à ma tête..
22-Q-HB : qui finance les actions des dégommeuses ?
Veronica Noseda : On a plusieurs financeurs. La Mairie de Paris finance en partie, des financements de la région..
23-Aya Cissoko : Quel est votre rêve ?
Aya Cissoko : Déjà par rapport à cette soirée moi j’aimerais que vous n’ayez pas peur d’utiliser les mots pour qualifier, pour dire les choses..
24- Adil El Ouadehe : quel est votre rêve ?
Adil El Ouadehe : Il n’y a pas d’âge pour s’engager, pour rentrer dans des associations, s’intéresser, être solidaire..
25-Julia : quel est votre rêve ?
Julia : C’est que vous arriviez à ne pas vous cantonner dans l’espace qu’on a décidé pour vous. À raison de son genre, de son origine, de son adresse de sa religion on vous cantonne dans un espace souvent..
26-Véronica Noseda : quel est votre rêve ?
Veronica Noseda : Le sport et le foot en ce qui nous concerne ce n’est pasjuste bouger son corps..
27-Béatrice Barbusse : quel est votre rêve ?
Béatrice Barbusse : Souvent je dis à mes étudiants : Ne pas faire sienne les limitations des autres..
Autour d’une table ronde intitulée LUTTER POUR LÉGALITÉ, le 3 février 2022 se sont réunies autour d’Aya Cissoko, Yala Kisikudi, Mame-Fatou Niang et Maboula Soumahoro.
Si le racisme n’existe pas, pourquoi créer des mesures pour le combattre ? Et si l’esclavage a été « bon enfant », pourquoi créer des espaces de mémoire et des politiques de réparation ? Pendant longtemps, ce mythe fondateur – qui nie la violence raciale en se prévalant d’un discours d’harmonie des races, comme si nous partions tous des mêmes places sociales, comme si nous cohabitions tous très bien au Brésil – nous a empêché.es de voir ces violences commises contre la population noire, en premier lieu, puis d’avoir des mesures efficaces pour les reconnaitre. Comme le dit ironiquement l’anthropologue brésilien-congolais, Kabengele Munanga : le Brésil est un pays raciste sans racistes !
Echange entre Djamila Ribeiro et Yala Kisukidi dans leur ouvrage commun Dialogue transatlantique
Nado Ricard, de la bibliothèque Assia Djebar, introduit et anime avec Aya Cissoko la soirée
1 – Présentation des invitées par Nado Ricard
Yala Kisikudi : Philosophe, maîtresse de conférence à l’université Paris 8, spécialiste de philosophie française contemporaine et de philosophie africana. Vous venez de publier Dialogue transatlantique co-écrit avec votre consœur brésilienne, Djamila Ribeiro, dans lequel vous échangez sur vos expériences respectives de femmes, noires, dans un pays qui s’est construit avec la traite négrière. Un état des lieux des conséquences de ce passé sur les corps et les vies noires, encore aujourd’hui. Mais aussi comment des solidarités peuvent exister/être inventés d’un continent à un autre.
Mame-Fatou Niang : Maîtresse de conférences et enseignante à l’université de Carnegie Mellon à Pittsburg en littérature française et francophone, vous êtes autrice et réalisatrice. Votre documentaire Mariannes noires sort en 2016. Dans ce film où des femmes noires aux trajectoires diverses prennent tour à tour la parole, vous rappelez une évidence : la France est multiculturelle. Vous publiez en décembre 2019, Identités françaises aux Éditions Brill. « Identités françaises » au pluriel. Votre nouvel ouvrage, co-écrit avec Julien Suaudeau, Universalisme, est sorti le 3 février chez Anamosa. Vous entreprenez dans ce livre de repenser l’universalisme « classique » en vous réappropriant les termes du débat. Vous précisez que s’engager dans cette démarche « n’est pas réveiller le démon du particularisme, mais chercher le chemin d’un humanisme commun qui soit à la mesure du monde ».
Maboula Soumahoro : Docteure en études du monde anglophone, professeure certifiée d’anglais et maîtresse de conférences au sein du département de langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes de l’université de Tours. Vous êtes également autrice. Vous publiez en février 2020, Le triangle et l’hexagone aux éditions La Découverte. Dans cet ouvrage, vous devenez votre propre sujet d’étude en mettant en lien ces trois espaces géographiques impliqués dans la traite négrière et constitutifs de votre identité.
Table ronde
Podcast et médias ajoutés
1- Introduction d’Aya Cissoko : ANTIRACISME ET UNIVERSALISME
Lecture du texte d’introduction : Si le racisme n’existe pas… (extrait de l’ouvrage de Yala Kisikudi et Djamila Ribeiro)
(2’49 ») L’antiracisme désigne toutes les actions visant l’élimination du racisme dans les structures sociales, les institutions et les interactions entre les individus. Le projet antiraciste est celui d’une société égalitaire (…)
2 – Mame-Fatou Niang
Qu’est-ce que l’universalisme classique ?
Mame Fatou Niang : Ce qu’on a essayé de faire dans ce livre, c’estde s’arrêter de respirer, parce que nous sommes pris dans un tourbillon où les mots et les concepts n’ont plus de sens...
3 – Yala Kisikudi
Universalisme : Quels sont ces débats philosophiques ?
Comment s’articule et s’exprime ce dévoiement ?
Yala Kisikudi : C’est une question qui me paraît très importantesur la question du sens et des usages. C’est-à-dire qu’on est face à un concept d’universalisme qui a une histoire...
L’universalisme n’existe pas. Il est lui-même situé. (…) Pour ma part, j’espère œuvrer au démantèlement de la « maison du maître » dont l’existence ne saurait être niée. Quant à la figure du maître, c’est-à-dire la figure du dominant, elle doit être reconnue comme telle. Que l’on utilise les termes « maître », « blanc », « mâle », « riche », « chrétien », « civilisé », « hétérosexuel », « valide », « métarécit », ou encore « discours dominant ».
Maboula Soumahoro / Le triangle et l’hexagone
4 – Maboula Soumahoro
L’universalisme n’existe pas
Maboula Soumahoro : Oui je l’assume. Mais maintenant que j’entends ces mots peut-être que j’aurais dû être plus spécifique...
5 – Yala Kisikudi
Universalisme et perversité
Yala Kisikudi : Le problème de l’universalisme c’est simplement la question des usages. L’universalisme n’est pas vraiment un débat, il n’y a pas de débat, c’est une non question...
6 – Mame-Fatou Niang
Pseudo-universalisme et histoire de la colonisation
Mame Fatou Niang : Dans notre essai, on a simplifié la question...
7 – Maboula Soumahoro
Que nous disent les violences policières sur la France ?
Maboula Soumahoro : Je pense que ça fait la jonction entre les deux questions sur l’aveuglement à la race et la question des violences policières. Je pense que le sens de cet aveuglement ça peut-être l’envie et la détermination à éviter le sujet. Si on le nomme pas, le sujet n’existe pas.
Une politique qui libère n’est pas une politique qui brutalise.
Qu’est-ce que l’on reproche à l’universalisme politique ?
Expressions à la mode et expressions des savoirs dans les médias
Maboula Soumahoro : Moi je ne sais pas ce que c’est, ça revient aussi à une question qu’a posé Aya tout à l’heure. Qu’est-ce qu’on fait des mots ? On se réapproprie le lexique ?
9 – Yala Kisikudi
Médias : entrer dans le débat en nourrissant nos rêves
Yala Kisikudi : Oui, on est toujours en position où l’on doit réagir à, être en position de réaction. Ce qui fait que là, un des enjeux, ce n’est pas de répondre à des termes du débat qui ne sont pas les nôtres, mais c’est de voir comment imposer nos propres termes…
10 – Mame-Fatou Niang
Comment faire face aux discriminations dans les médias ?
Mame Fatou Niang : Comment répondre à ces personnes et c’est des conversations qu’on a eues … On ne répond pas…
11 – Yala Kisikudi
Etudes post coloniales et décoloniales
Yala Kisikudi : Il y a aussi une chose très réelle, je vais peut-être être un peu classique. Mais quelque chose de très fort dans tout ce qui vient d’être dit. Il y a une célébration du savoir…
12 – Maboula Soumahoro
Ignorance scandaleuse, savoirs non partagés et non reconnus
Maboula Soumahoro : Sur la base d’une ignorance crasse, d’une ignorance scandaleuse…
13 – Yala Kisikudi
Se mettre à distance de son pays et conquérir son indépendance
Yala Kisikudi : Le débat , il est assez lourd, car ça fait référence à des vécus…
14 –Maboula Soumahoro
Conserver l’héritage – du rap des années 90 en remontant à Aimé Césaire dans les années 50
Maboula Soumahoro : Mais Rocé, il a dit beaucoup depuis longtemps…
15 – Aya Cissoko puis Maboula Soumahoro
Qu’est-ce qui est transmis, enseigné traduit ?
Aya Cissoko : En France ce sont des choses qui ne sont pas accessibles…
16- Yala Kisikudi
Accès aus savoirs, diffusion de l’intelligence noire
Yala Kisikudi : Il n’y a pas que les questions de traductions en fait, …
17-Maboula Soumahoro
Etats-Unis : C’est le lieu où je me suis révélée à moi-même en tant que française
Nado lit un passage du livre de Maboula Soumahoro : J’ai grandi aux Etats-Unis pendant près d’une décennie…
18- Mame-Fatou Niang puis Maboula Soumahoro
Être une Française noire aux États-Unis
Mame Fatou Niang : Moi je sais que j’habite aux États-Unis depuis 17 ans…
19 – Maboula Soumahoro et Yala Kisikudi
Comment faire pour se réapproprier le « Je«
Maboula Soumahoro : C’est un coming out…
20 – Yala Kisikudi
Qu’est-ce qu’on fait de ces catégories qui nous sont imposées ?
Yala Kisikudi : Justement, les catégories, moi j’aime bien penser les catégories…
21– Mame-Fatou Niang
Quels sont vos rêves, vos utopies ?
Rires… Mame Fatou Niang : Je crois que mon rêve, moi je suis en train de le vivre, c’est un rêve que je construit…
22- Yala Kisikudi
Quels sont vos rêves, vos utopies ?
23- Maboula Soumahoro
Quels sont vos rêves, vos utopies ?
(Oubli d’Aya Cissoko + rires) Maboula Soumahoro : Je suis une grande rêveuse à la base donc…
Le 22 janvier 2022 à 19h00, dans le cadre des Nuits de la lecture, s’est tenue la soirée lecture SORTIR DES MARGES en présence d’Aya Cissoko, Rocé et Omar Benlaâla.
Être à la marge, c’est être tenu à distance, à la périphérie, éloigné du centre. Sortir des marges pour remplir l’espace. Avec nos corps, nos histoires, nos voix : les récits des nôtres, avec nos mots et sur nos sons. Cette nuit est à vous et à nous. Ce débat s’adresse à toutes celles et ceux qui sont dans les marges et veulent dorénavant exister sans renoncer à ne serait-ce un millimètre de ce qu’ils et elles sont.
Aya Cissoko
Omar Benlaâla vit à Ménilmontant où il est né en 1974. Précocement déscolarisé, il vagabonde pendant plusieurs années. En 2015, il est l’auteur d’un récit autobiographique, La Barbe, paru aux éditions du Seuil. Il a publié trois ouvrages qui mettent en lumière les histoires de Franco-Algériens parisiens de ce dernier demi-siècle. Une appréhension de l’actualité sociale et des questions identitaires qui vaut à cet écrivain, une reconnaissance grandissante. À lire : Tu n’habiteras jamais Paris, éd. Flammarion, 2018.
Rocé est connu pour son écriture recherchée, il est aussi apprécié pour ses projets surprenants. Après quatre albums de rap français entre 2002 et 2013, il compile en 2018 un recueil de morceaux engagés des 70’s en langue française Par les damné.e.s de la terre – des voix de luttes 1969-1988, clamé par des artistes des luttes ouvrières et des décolonisations. À partir de juillet 2020, Rocé vient combler sept ans d’absence dans le rap, avec des morceaux qu’il sort spontanément sur les plateformes. À écouter : Poings serrés, EP 2021, Hors Cadre.
Cette soirée a été aussi ponctuée de lectures de textes écrits par les adolescents du quartier, dans le cadre des ateliers Ego-trip menés par les bibliothécaires.
TABLE RONDE
PODCAST ET MEDIAS AJOUTÉS
Carte Blanche à Aya Cissoko
Introduction de Matthias Herodin de la bibliothèque Assia Djebar
Bienvenue à la bibliothèque Assia Djebar ! De janvier à juin 2022, nous avons le plaisir et l’immense honneur d’accueillir en résidence, l’écrivaine, autrice, comédienne Aya Cissoko. Aya va vous proposer chaque mois, avec les bibliothécaires une programmation spécifique à la bibliothèque et dans le quartier sur les thématiques qui lui tiennent à coeur, la transmission des mémoires entre les générations, la lutte contre le racisme et les discriminations, la place des femmes dans l’espace public ou bien, comme ce soir, la mise en avant de qui nous sommes et de nos histoires…
Carte Blanche à Aya Cissoko
Carte Blanche à Aya Cissoko
1-EXIL – Rocé / On s’habitue
Extrait de la chanson de Mamani Keita Gagner l’argent français. Rocé interprète un extrait de On s’habitue.
Mamani Keita – Gagner l’argent français
Rocé On s’habitue
2- EXIL – Omar Benlaâla / Extrait de Tu n’habiteras jamais Paris
Cet extrait fait écho au thème de l’exil, c’est un extrait qui donne la parole à mon père dans mon livre Tu n’habiteras jamais Paris, un livre qui lui est consacré et dans lequel il a témoigné. Mes pas dans les siens. Une valise, pour quoi faire, rien à déclarer, sauf le muscle et la volonté, plutôt que le burnous, inutile à Paris, une chemise à manches courtes, un pantalon et des chaussures de ville…
3- EXIL – Aya Cissoko / Extrait de Au nom de tous les tiens
(Extrait musique – Groupement Culturel Renault – Cadences 2 (France 1973)) Lecture de note d’intention de Par les Damné·e·s de la Terre, compilation en recueil musical de morceaux des années 60 aux années 80. (1’22 »): Je fais partie de cette génération qui a vu naître le rap français puis l’énorme engouement pour cette musique des enfants de la deuxième et troisième génération d’immigrés. J’ai voulu creuser au-delà du rap fouiller les artistes de la langue française, qui véhiculent la poésie de l’urgence, la poésie à fleur de peau, engagée malgré elle parce que le contexte ne lui donne pas le choix…
Aparté de Rocé à propos de son projet / Ce que les pochettes nous disent…
Parce que ce qu’il faut savoir c’est que cette soirée est une soirée autour de la transmission, des transmissions inter-génerationnelles et j’ai trouvé intéressant quand les musiques des années 60, 70, 80, de ces générations des parents voire des grands-parents, dans les musiques qu’ils écoutaient, il y avait des histoires et aussi les histoires des luttes, luttes des paysans, luttes des ouvriers, luttes féministes, des immigrations, des émancipations, des décolonisations, … Il n’y a pas de luttes qui ne sont pas accompagnées de musiques...
Lassana : Clip réalisé par les bibliothécaires Yann Faure et Matthias Herodin dans le cadre de Haut parleur/ OKLM, atelier du vendredi soir à la bibliothèque Assia Djebar.
5 – NOS PARENTS – Omar Benlaâla / Extrait de Tu n’habiteras jamais Paris
Le deuxième texte fait écho au thème de nos parents. Donc c’est toujours un témoignage de mon père qui est arrivé d’Algérie en 60 en 63 et qui maintenant se retrouve à Paris et qui a cette réflexion.
6 – NOS PARENTS – Aya Cissoko / Extrait de Au nom de tous les tiens
Là aussi c’est un extrait de Au nom de tous les tiens, donc qui fait écho à la chanson d’introduction.
7 – LA FRANCE – Rocé / Je chante la France
J’ai la Marseillaise sifflée et le drapeau sous les semelles, j’ai le regard crispé sur ce pays et ses querelles…
8 – LA FRANCE – Omar Benlaâla / Extrait de Tu n’habiteras jamais Paris
Alors là , dans Tu n’habiteras jamais Paris j’ai mis en parallèle avec l’histoire de mon père, un maçon creusois du XIXe siècle qui s’appelait Martin Nadeau.
9 – LA FRANCE – Aya Cissoko / Extrait de Danbé
Alors là on est toujours dans la thématique la France et c’est un extrait de Danbé : Je garde la nostalgie des journées qui n’en finissent pas …
https://www.youtube.com/watch?v=fiAonsbvf4g
10 – LA TRANSMISSION – Rocé / Tenir debout
Sur le thème de la transmission : Où sont nos histoires, on ne sait rien de nous, des peuples sans mémoire deviennent des peuples de fous.
11 – LA TRANSMISSION – Omar Benlaâla / Extrait de L’Effraction
Sur le thème de la transmission : C’est un extrait de L’Effraction un livre où je donne la parole à Réda. Un jeune Parisien née à Paris de parents algériens, et il est interrogé par un sociologue qui essaye de comprendre comment est-ce qu’on peut vivre avec deux cultures dans un même corps…
12 – LA TRANSMISSION – Aya Cissoko / Deux extraits de Au nom de tous les tiens
On va continuer sur le thème de la transmission, là ce sont des extraits de livre distinct donc le premier c’est la transmission me concernant et ensuite la transmission de moi à ma famille parce que on vieillit puis on fait des enfants...
13 – Rocé / Nos galères
Nos galères : réfléchis bien quand le présent ne prédit rien de bon, on est content pour pas grand-chose on dévalue le bonheur d’un cran…
14 – Omar Benlaâla / L’Effraction
C’est toujours un extrait de L’Effraction, cette fois c’est François le sociologue qui arrive à un rendez-vous avec Réda. Et en arrivant à ce rendez-vous il observe quelqu’un…
15 – Aya Cissoko / Nos identités
Donc là c’est un extrait d’un ouvrage à sortir, Nos identités, aux éditions Rageot en association avec l’association Divéka…
16 – NOS COLÈRES, NOS FRUSTRATIONS – Rocé /Si peu comprennent
Nos colères, nos frustrations : vous comprendrez donc que j’ai d’autres ambitions que de jouer au rappeur voyou repenti reconverti au beau bougre...
17 – NOS COLÈRES, NOS FRUSTRATIONS – Omar Benlaâla / L’Effraction
Nos colères, nos frustrations, toujours un extrait de L’Effraction : Tu sais Jean-François, si j’ai continué à jouer c’était pour faire monter le désir, être certain de le garder…
18 – L’ÉCOLE – Rocé / Habitus
Sur le thème de l’école : Le quartier a ses règles, ses lois, son langage, son argot, tu sais de quoi je parle surtout quand t’es ado…
Ibrahim, clip réalisé par les bibliothécaires Yann Faure et Matthias Herodin dans le cadre de Haut parleur/ OKLM, atelier du vendredi soir à la bibliothèque Assia Djebar.
18 – L’ÉCOLE – Omar Benlaâla / Extrait de Tu n’habiteras jamais Paris
L’école, donc là je reviens à Tu n’habiteras jamais Paris et cette fois c’est moi qui parle : L’été suivant c’est au quartier que je suis resté enfermé, bien trop honteux pour oser me présenter au bled…
19 – QUI L’ON EST, D’OÙ L’ON VIENT – Rocé / L’un et le multiple
Qui l’on est d’où l’on vient : J’ai le sens du rythme mais la mélodie linéaire, la voie aiguë mais le propos grave et austère…
20 – QUI L’ON EST, D’OÙ L’ON VIENT – Omar Benlaâla / L’Effraction
Qui l’on est d’où l’on vient, nos identités, donc là on revient à Réda dans L’Effraction : La Kabylie tu connais tu y vas régulièrement ?
21 – Rocé
Disposer à marcher en bande et à connaître la fouille. La bande détient le prétexte que cherche les patrouilles…
22 – ESTIME DE SOI – Omar Benlaâla / L’Effraction
Estime de soi, on est toujours avec Réda et qui rencontre le fameux Hédi dont on entend parler depuis tout à l’heure : Tu fais quoi dans la vie ?
23 – ESTIME DE SOI – Aya Cissoko / ?
Le temps a fait son œuvre et Massou comprend qu’elle doit se laisser faire de cette volonté forcenée...
24 – Rocé / Changer le monde
Je pars sur les chapeaux de roues, les pieds dans la grosse roue, nerveux, distant mais toujours prêt à aller au bout…
25 – Omar Benlaâla / Extrait de Tu n’habiteras jamais Paris
Avec la famille à charge il fallait garder sa place, ce que j’ai fait dans une entreprise de bâtiment que tu connais bien…
26– Aya Cissoko / Deux extraits de Au nom de tous les tiens
C’est une mère qui parle à sa fille : Ce texte est un testament et une boussole pour que tu sois forte. Un talisman que tu devras emmener partout et en permanence avec toi pour te protéger…
Final
Abdoulaye Cissé – Les vautours (Burkina Faso 1978)
Être à la marge, c’est être tenu à distance, à la périphérie, éloigné du centre. Être loin de là où ça se passe, en dehors de la norme, des lieux où ça se décide. Être tenu au silence, à l’invisibilité, condamné à mourir en silence. Ici et ailleurs. On sort des marges pour remplir l’espace. Avec nos corps, nos histoires, nos voix : les récits des nôtres, avec nos mots et sur nos sons.
Rocé est connu pour son écriture recherchée, il est aussi apprécié pour ses projets surprenants. Après quatre albums de rap français entre 2002 et 2013, il compile en 2018 un recueil de morceaux engagés des 70’s en langue française Par les damné.e.s de la terre – des voix de luttes 1969-1988, clamé par des artistes des luttes ouvrières et des décolonisations. À partir de juillet 2020, Rocé vient combler sept ans d’absence dans le rap, avec des morceaux qu’il sort spontanément sur les plateformes. À écouter : Poings serrés, EP 2021, Hors Cadre.
Omar Benlaâla vit à Ménilmontant où il est né en 1974. Précocement déscolarisé, il vagabonde pendant plusieurs années. En 2015, il est l’auteur d’un récit autobiographique, La Barbe, paru aux éditions du Seuil. Il a publié trois ouvrages qui mettent en lumière les histoires de Franco-Algériens parisiens de ce dernier demi-siècle. Une appréhension de l’actualité sociale et des questions identitaires qui vaut à cet écrivain une reconnaissance grandissante. À lire : Tu n’habiteras jamais Paris, éd. Flammarion, 2018.
Dans le cadre des Nuits de la lecture. Cette soirée a été ponctuée de lectures de textes écrits par les adolescents du quartier, au cours des ateliers Ego-trip menés par les bibliothécaires.
Cinq tables rondes ont été proposées par Aya Cissoko avec des artistes, auteurs, autrices, journalistes, chercheurs et chercheuses, ou des porteurs et porteuses de projets associatifs engagés. Chaque fois, un thème inscrit dans une problématique autour des discriminations dans la vie quotidienne aujourd’hui est abordé avec les invités.